La pluie au cinéma
La pluie a souvent mauvaise presse lorsqu’il s’agit de sortir se promener : on annule, on reste chez soi, on s’abrite… Pourtant, dès qu’elle passe de l’autre côté de nos écrans, elle devient romantique, émouvante, symbole de tragédie ou de joie. En ce mois de décembre, nous avons décidé de revenir sur le rôle que prennent les averses lorsqu’elles s’invitent dans nos films préférés.
La pluie au cinéma : de la météo à la métaphore
Que la pluie soit animée, en noir et blanc, diluvienne ou à peine présente, elle a toujours un rôle lorsqu’elle apparaît au cinéma. Comme l’explique Corinne Maury dans son ouvrage L’Attrait de la pluie, « la pluie n’est pas simplement un ruissellement décoratif qui emplit le cadre. La pluie y est un motif, une figure vivante qui dynamise l’espace cinématographique ».
Parfois, elle est incarnation de puissance et de violence, comme dans Parasite (Boog Joon-ho, 2019) avec des précipitations si fortes qu’elles causent des inondations, ou dans Matrix (Lana et Lilly Wachowski, 1999) où une averse devient un décor pour se battre. D’autres fois, il est question de scènes passionnées, comme la fameuse scène du baiser à l’envers de Spider-Man (Sam Raimi, 2002), ou bien celle où Gene Kelly laisse éclater sa joie dans le tout aussi iconique Chantons sous la pluie (Gene Kelly et Stanley Donen, 1953). Enfin, avec Steven Spielberg, la pluie peut aussi être menaçante et cacher un T-Rex dans Jurassic Park (1993) …
Si l’on compare toutes ces œuvres, il y a donc d’innombrables manières de mettre en scène la pluie ! Mais pour faire prendre ces différentes formes à l’eau au fur et à mesure des scènes, il faut pouvoir la contrôler. Par conséquent il a fallu redoubler d’ingéniosité afin de recréer une météo dans les studios de cinéma. Nilo Otero, 1er assistant réalisateur (Inception, The Dark Knight), explique même que, selon lui, « la pluie est une des choses les plus difficiles à faire lorsque l’on fabrique un film ».
Le premier problème vient du fait que la pluie naturelle n’apparaît presque pas à l’image, à cause de la taille des gouttes et de la difficulté de rendre net à la fois les précipitations et les personnages. Ainsi, la pluie dans les films est la plupart du temps artificielle. Pour les tournages en extérieur, il existe différentes machines comme des rampes à pluie qui permettent d’arroser jusqu’à une rue entière ou des plus modestes cannes à pluie pour des utilisations plus basiques. Ces outils créent des gouttes plus grosses et moins rapides qui vont apparaître spectaculaires à l’écran.
L’éclairage joue également une grande partie dans la réussite de telles scènes, et il est rare d’utiliser la lumière du jour pour tourner une séquence sous la pluie. Au contraire, un travail minutieux est souvent nécessaire et il faut jouer avec la météo existante et les projecteurs pour obtenir le résultat voulu. Sur le tournage d’Inception, le chef opérateur Wally Pfister explique qu’un des challenges particuliers a été de recréer une journée nuageuse alors qu’il y avait un grand soleil. Souvent, les scènes de pluie sont donc tournées la nuit, afin d’avoir un meilleur contrôle sur l’éclairage. Par ailleurs, des rumeurs comme quoi du lait avait été mélangé à l’eau pour la scène de Chantons sous la pluie ont été démenties par Stanley Donen qui a expliqué que c’était faux, et que le seul moyen de filmer la pluie est de l’éclairer d’une certaine manière !
Bien sûr, aujourd’hui, la pluie peut également être aidée par les effets spéciaux, et les effets spéciaux numériques (VFX) s’ajoutent alors aux effets pratiques pour créer des ensembles réalistes. Cependant, les effets 3D ajoutent leurs propres complexités : il faut faire attention aux reflets sur les gouttes de pluie par exemple. Ainsi, pour un résultat plus authentique, il faut parfois que les acteurs acceptent de réellement se mouiller.
Enfin, pour le cinéma d’animation, il n’y a généralement pas de tournage en extérieur et c’est donc également un challenge de réaliser de la pluie. Dans les œuvres de Miyazaki, elle est animée à la main, goutte par goutte, ce qui a donné naissance à des scènes pleines de nostalgie comme l’attente du bus dans Mon voisin Totoro (1988).
Pour la stop-motion, c’est d’autant plus compliqué puisque qu’il faut que la pluie soit réelle mais qu’elle soit immobile et manipulable. Ainsi, les réalisateur.ices inventent constamment des nouvelles techniques : brumisateurs, grains de riz, ficelles… Peu importe le choix, la pluie continue ainsi de fasciner les spectateur.ices, petit.es comme grand.es.
En bref, la pluie au cinéma a nécessité de nombreuses innovations pour amener sur nos écrans les scènes mythiques que l’on connaît aujourd’hui. Et en voyant le nombre d’émotions différentes qu’elles permettent de créer chez le spectateur, nous pouvons comprendre pourquoi elle mérite tant d’efforts. Ainsi, que vous soyez plutôt Blade Runner (Ridley Scott, 1982), Les Parapluies de Cherbourg (Jacques Demy, 1964), ou Amélie et la Métaphysique des tubes (Mailys Vallade et Liane-Cho Han, 2025), vous trouverez forcément une scène de pluie devant laquelle boire une boisson chaude cet hiver !
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