Portraits
mai 19, 2021

Portraits – Responsable programmation & Médiatrice jeunesse



‘Fiche métier Responsable programmation Cinéma & Médiation culturelle Enfance et Jeunesse’

Aujourd’hui on a interrogé Émilie Araujo-Tran, responsable programmation cinéma et médiatrice culturelle enfance et jeunesse du cinéma théâtre de Chevilly-Larue.
On lui a posé plusieurs questions sur son métier et le fait qu’elle ait une double casquette. En est ressorti cet entretien, laissé tel quel, avec ses propres mots, car ils se suffisent à eux-mêmes.

Laissez vous subjuguer et bercer par les mots d’Émilie, au risque de vouloir tout plaquer pour exercer son métier. Bonne lecture !

 

– En quoi consiste le métier de responsable programmation Cinéma & Médiation culturelle Enfance et Jeunesse et quelles sont les missions principales ? 

>> La programmation : un équilibre constant entre les différents genres cinématographiques.

Mon poste consiste tout d’abord à élaborer et organiser toute la programmation cinéma labélisée Art et Essai de notre Théâtre Cinéma sur le temps scolaire (de la crèche au Lycée) et hors scolaire. Dans notre unique et salle polyvalente il faut parfois jongler avec la contrainte des plannings et créneaux dédiés à nos 2 activités et tenter d’équilibrer au mieux l’activité cinéma et spectacle.

Il faut également veiller à équilibrer cette programmation cinéma tout en gardant une exigence et pluralité artistiques, avec des films arts et essai, des films de patrimoine, jeune public, grand public et d’autres films plus sensibles et tout importants de défendre.

Le plus important est que notre programmation se doit de toucher un public aussi large que possible et, permettre d’être un formidable support d’ouverture sur le monde qui nous entoure.

Bien entendu, j’ai aussi bien d’autres missions administratives et de communication qui font partie du poste de responsable de programmation cinéma et qui sont primordiales à la bonne gestion de notre activité cinéma mais qui m’animent certes beaucoup moins que la programmation ou la médiation culturelle.

>> La médiation : un axe fort de notre projet artistique.

Une de mes missions principales consiste également à organiser et gérer toute la médiation culturelle et ac

compagnement proposés autour de l’activité cinéma aussi bien sur le temps scolaire que tout public. De l’intervention, en classe autour d’un film, d’un atelier pré cinéma, d’un débat, d’une rencontre avec des intervenants ou réalisateurs en salle, ou l’organisation de différents projets et parcours cinéma, notre médiation culturelle tente de toucher tous les publics afin d’accompagner et sensibiliser au mieux le regard de nos spectateurs.

Cette médiation vient également dans le cadre scolaire, soutenir les différents dispositifs d’éducation aux images que je coordonne et gère tout au long de l’année (École et cinéma, Collège au cinéma et Lycéen au cinéma).

Enfin, cette médiation s’harmonise parfois avec l’activité spectacle pour mieux l’enrichir, faisant de notre polyvalence, une force à cet endroit précis. Je pense notamment à nos projets théâtre & cinéma sur différentes thématiques et qui proposent une programmation de spectacles et de films complémentaires (ex : Sport& féminin ; Burlesque, projet Scènes de jeunesse…) et que l’on accompagne de rencontres, interventions et ateliers.

 

-Qu’est-ce qui t’a donné envie de travailler dans ce domaine ? 

Ayant fréquenté la salle de cinéma de mon quartier depuis mon plus jeune âge, j’ai pu y faire toute mon éducation artistique et cinématographique.  Grâce aux salles de proximité et aux dispositifs d’éducation aux images dont j’ai pu bénéficier tout au long de ma jeunesse, j’ai ainsi pu me construire, m’élever et trouver ma place en société. Ayant vécu dans un quartier HLM défavorisé, le Cinéma et la Culture ont été pour moi, une bouffée d’air, un moyen de m’échapper, d’éducation, de grandir et de mieux comprendre le monde.

J’ai ainsi très vite été passionnée par le 7ème art et le pouvoir qu’il avait de rassembler les êtres et de les faire se questionner sur notre société. Au-delà des émotions qu’il procure, c’est sa dimension à questionner et remettre en question l’humain et le monde qui m’a toujours fascinée et motivée à devenir programmatrice.

 

– Comment as-tu débuté ta carrière ? Quelles sont les études/formations/expériences que tu as effectués pour prendre ce poste ? 

J’ai fait un Master II d’études cinématographiques à Lille 3 et Paris 3. Tout au long de mes études, je travaillais également en tant que caissière et médiatrice culturelle dans des salles de cinéma. Ces 1ères expériences sont primordiales et m’ont permis de bien connaître le fonctionnement d’une structure d’exploitation cinématographique.

J’ai ensuite pu faire un stage de fin d’études à la Semaine internationale de la Critique. Je suis ensuite partie travailler en tant que professeure de français à l’Alliance française au Mexique.

De retour en France, j’ai eu pas mal de difficultés à trouver un poste dans une salle de programmation, j’ai ensuite décroché un poste de secrétariat chez Arte France puis enchaîné avec une opportunité en 2009 de Chargée de relations publiques et médiatrice culturelle au sein du Théâtre Cinéma André Malraux de Chevilly-Larue.

Forte de mon expérience des relations publiques et de ma culture cinématographique, j’ai pu progressivement travailler main dans la main avec la responsable de l’activité cinéma et créer des liens et passerelles entre nos 2 activités.

En 2019, suite au départ de notre ancienne responsable cinéma, Caroline Tronquoy, j’ai pu postuler à ce poste que j’exerce maintenant depuis 3 années.

 

– Depuis quand fais-tu ce métier ? As-tu constaté une évolution de celui-ci ? 

J’exerce donc ce métier de responsable de programmation depuis 3 années. J’y ai vu effectivement des évolutions singulières et notamment liées au COVID. Dans ces évolutions, il y a une évolution de la fréquentation de la salle de cinéma et du rapport aux œuvres. Certaines personnes ne voient parfois plus l’intérêt de venir au cinéma si un film finit par sortir 6 mois plus tard en DVD ou sur une plateforme. On constate que les publics sortent moins fréquemment au cinéma. La fréquentation de notre salle diminue et demande un travail de reconquête des publics encore plus fort. Ce travail de terrain et de relations publiques passe indéniablement par un travail de médiation et d’accompagnement. Aussi, on observe une hausse de l’activité de la médiation culturelle. Cette médiation tend à sensibiliser les publics sur l’importance de fréquenter leur salle de proximité et la magie, la force de découvrir une œuvre sur un grand écran. Les émotions y sont décuplées et le travail artistique prend tout son sens et se révèle avec force aux spectateurs.

C’est aussi cette évolution des pratiques qui nous permet de ne pas se figer et de nous remettre sans cesse en question dans notre travail et rapport aux spectateurs.

 

– Raconte nous ce qui t’anime dans ton travail.

Ce qui m’anime est la transmission de ma passion pour le cinéma, pour ce formidable Art. Cet art qui comme pour beaucoup d’autres arts, permet au travers des œuvres, la rencontre et l’échange entre les êtres. Pour moi, programmer un film, c’est aussi programmer une rencontre artistique, qui va toucher l’intime en chacun de nous. Ce qui m’anime le plus c’est l’accompagnement que l’on va provoquer autour de ces œuvres, une rencontre avec un réalisateur, un intervenant ou un atelier, autant d’actions qui vont laisser une trace et permettre de mieux appréhender et s’ouvrir au monde…

 

– Anecdotes récentes (cette année) :

– Lorsqu’un jeune collégien après une projection et débat autour du Mécano de la générale de Buster Keaton, dans le cadre du dispositif Collège au cinéma, sort et vous dit « Madame, vous m’avez fait kiffer le cinéma en noir et blanc. Ce Buster Keaton est un génie ! »

– Après une projection de Johnny Guitare (Nicholas Ray) : une salle remplie de jeunes lycéens débattant avec passion sur « mais ça veut dire quoi être féministe ? »

Autant d’anecdotes, de rencontres, de discussions avec toutes sortes de publics que l’on arrive à toucher par le biais d’un film. Des publics qui au départ arrive peu convaincus par leur présence dans cette salle de cinéma et avec qui on arrive finalement à faire basculer les barrières et ouvrir des chemins de libertés…

Parce que la Culture et l’Art rendent les êtres profondément riches de valeurs humanistes et libres,

je continuerai en tant que médiatrice, à œuvrer et faire le lien entre les œuvres et le public. Tout comme le colibri, avec mon métier, je pense faire ma part…